Mais Chamonix peut-elle être vraiment
fière de ce festival qui a engendré dans notre vallée trois jours
d'agitation supplémentaire, sans compter les semaines de montage et
démontage de la grande structure ? En avait-elle vraiment
besoin ?
A ce jour du 5 mai 2018, la France, le
pays de la COP 21, a honteusement dépassé la date à partir de
laquelle elle creuse sa dette vis à vis de la planète. Elle a
consommé tout son crédit en un peu plus de quatre mois, à partir
d'aujourd'hui elle puise dans les ressources naturelles des autres
pays et surtout dans celles des générations futures. La France
consomme trop, elle émet trop de CO2, malgré les recommandations de
nos gouvernants.
Chamonix et l'Espace Mont Blanc se veulent
exemplaires en matière de développement durable. Les messages
délivrés par notre maire dans ce sens sont nombreux. Mais Chamonix
n'entend pas freiner sa course en avant : toujours plus
d' activités, toujours plus de monde, notre économie doit
chauffer à blanc. Alors, la sobriété dictée par l'épuisement de
la planète, c'est pour les autres, c'est pour la France, mais pas
pour Chamonix dont le statut exceptionnel de grande station mondiale
est une excuse pour s'en affranchir. A Chamonix, on consomme et on
dépense sans compter ! A Chamonix, on ne veut pas connaître la
modération !
Musilac fut un événement contestable sur
le plan écologique, sur le plan de la dépense énergétique, de la pollution, et
aussi des nuisances.
Le mieux habilité pour en parler est
Michel Fourcade, autorité reconnue dans le domaine de la protection
de la montagne. Je vous recommande de lire sa lettre au maire
jusqu'au bout, car elle est cousue de vérité et de bon sens.
Michel Fourcade Chamonix, le 2 mai 2018
Monsieur
le Maire,
Je
vous adresse cette lettre pour vous faire part de mes réflexions
concernant le Festival Pop/Rock Musilac , organisé sous les auspices
de la Municipalité de Chamonix, qui s’est achevé le 21 avril
dernier après trois journées de concerts.
Cette
nouvelle manifestation qui fait irruption dans la Vallée ne manquera
pas d’être soit applaudie, soit controversée.
Si
je vous écris à ce sujet c’est que je suis très attaché au
massif du Mont-Blanc et à la vallée de Chamonix que j’ai
découverte lorsque j’y séjournais l’été avec mes parents,
puis par l’ascension de la plupart de ses sommets, avant , pendant
et après mon affectation à l’EMHM . Comme vous le savez, j’ai
représenté , à titre bénévole, le Comité Français de l’UICN
à la Conférence Transfrontalière Mont-Blanc, la CTMB, de 2004 à
2013.
Avant
de se prononcer sur Musilac, il faut analyser les facteurs qui le
caractérisent.
Au
plan positif, on doit reconnaître que les concerts ont attiré un
large public (40 000 selon le DL), venu pour la majorité de
l’extérieur, mais aussi de la vallée. Si l’on se réfère aux
articles parus dans le Dauphiné Libéré, la manifestation a été
un succès. Les participants, dont beaucoup ont découvert Chamonix
à cette occasion, ayant apprécié aussi bien la musique que
l’organisation. Par ailleurs, l’événement s’est révélé une
opération touristique et surtout commerciale réussie, répondant
ainsi au souhait du Directeur de l’Office de Tourisme <<de
créer un événement qui renforce l’économie de fin de saison>>.
Cependant,
au plan négatif, il faut noter que ces concerts génèrent une
nuisance sonore particulièrement importante. Déjà élevé dans un
site de plaine , ce niveau augmente beaucoup dans une vallée de
montagne, comme celle de Chamonix, où les sons en se répercutant
sur les versants résonnent dans la vallée bien au-delà du lieu
des concerts jusque dans la Plaine des Praz, aux Nants ou même aux
Moussoux par exemple.
Un
tel niveau sonore excessif provoque une gêne difficilement
supportable pendant trois jours et doit perturber la faune. Par
ailleurs, on peut se demander quelle a été la réaction de la
clientèle fréquentant les hôtels 5 étoiles de la vallée comme
par exemple celle de l’hôtel Albert Premier situé à proximité
des concerts ?
A
ce sujet, il serait nécessaire de savoir si le niveau sonore de
Musilac, de même que celui des manifestations organisées au cours
de l’année à Chamonix (semaine du trail, championnats d’escalade,
black week-end …), ne dépasse pas le maximum légal en vigueur
qui vient d’être renforcé par rapport aux dispositions de 1998 en
passant de 105 à 102 décibels . (voir note 2 bas de page sur le
décret du 9.08.2017 édicté pour des raisons de santé publique).
Ainsi,
après cette première évaluation, on pourrait conclure que les
facteurs positifs l’emportent sur les négatifs à la condition
de respecter le niveau sonore légal.
Pour
autant, si on élargit notre analyse, force est de constater que ce
type d’événements a pour conséquence de s’éloigner du
concept de développement durable et de l’image revendiqués pour
le Mont-Blanc abondamment véhiculés dans de nombreuses
déclarations et publications depuis la création de la CTMB et de
l’Espace Mont-Blanc en 1991 (voir exemples en notes de bas de
page).
Cette
modification d’orientation est parfaitement assumée aussi bien
par les responsables de la promotion du tourisme que par une certaine
partie de la population comme l’illustre la déclaration de trois
jeunes de la vallée : <<c’est une nouvelle image de
Chamonix et c’est bon pour la notoriété de Chamonix. Ce n’est
plus seulement l’alpinisme et le ski, c’est aussi la fête et la
musique>>.
Une
telle orientation , qui encourage la pression touristique , ne va pas
dans le sens des actions que vous conduisez par ailleurs pour
diminuer les effets de la concentration humaine dans la vallée et
la saturation des espaces disponibles dans des domaines comme ceux
de la lutte contre la pollution (transports, chauffage) , de la
rénovation énergétique et de l’urbanisme(<<les limites
étant atteintes dans ce domaine>>, comme vous l’avez déclaré
à l’AG de l’Arvac en 2016).
Ne
contredit-elle pas pareillement le projet d’inscription du massif
au Patrimoine Mondial de l’UNESCO (avec quel périmètre ?)
que vous avez relancé l’année dernière car <<il nous
incombe de préserver la qualité de notre cadre de vie et de
respecter et valoriser nos richesses naturelles et culturelles qui
sont parfois menacées>> (magazine municipal de février 2018).
Effectivement,
à l’heure où l’augmentation du tourisme de masse et les effets
du réchauffement climatique menacent les équilibres de ce milieu
fragile, comme on l’a vu au moment des dernières fêtes de fin
d’année, est-il raisonnable de poursuivre cette politique du
« toujours plus » destinée à attirer de plus en plus de
clients et de consommateurs ?
On
peut regretter enfin que ce choix, fait de longue date à Chamonix ,
de privilégier son développement socio-économique dans une vision
à court terme, n’ait pas été accompagné de dispositions
réglementaires visant à mieux conserver l’identité de la vallée
(permettant d’envisager éventuellement de répondre aux exigences
de l’UNESCO pour une inscription comme « paysage
culturel »), en imposant par exemple l’harmonisation des
constructions (toitures, volumes, ….) et la réhabilitation de
certains secteurs emblématiques (tel, par exemple, le village du
Tour, le village de Michel Croz, qui ne souffre pas actuellement,
hélas, la comparaison avec les villages du Val d’Aoste et du
Valais).
Cependant,
mon propos n’était pas en vous écrivant d’épiloguer sur ce qui
aurait dû être fait, il se proposait simplement, à l’occasion
de la présence « tonitruante » de Musilac dans la
vallée, d’appeler votre attention sur les contradictions existant,
selon moi, entre les différents objectifs que vous poursuivez.
Veuillez
agréer, Monsieur le Maire, l’expression de ma considération
distinguée.
Notes :1
L’excellent opuscule publié par le SIVOM de la Haute Vallée de
l’Arve « Ensemble dessinons la vallée de demain »
2.
Le concept défini par les élus des trois versants concernés, après
la création de la CTMB/Espace Mont-Blanc, de « valorisation
active de la montagne alliant la protection des milieux naturels et
du paysage à la promotion d’activités socio-économiques
compatibles ».
(2).
Le Décret , paru au JO du 9 août 2017, renforce « les
dispositions légales en vigueur concernant la prévention des
risques liés aux bruits et aux sons amplifiés qui fixaient le
maximum sonore à 105 décibels impose désormais un maximum de 102
décibels ». Il s’étend désormais aux concerts en plein air
qui, jusqu’ici , n’étaient pas concernés . Ce niveau sonore est
réduit à 94 décibels pour les spectacles jeunes publics. Toutes
ces mesures sont valables « en tout endroit accessible au
public, la responsabilité de leur dépassement incombe à la fois à
l’exploitant du lieu, au producteur et du diffuseur ». Sa
date d’application est fixée au 1er octobre 2018.
Copies
à : M. Nicolas Durochat, Directeur de l’Office de Tourisme de
Chamonix
M.
François Leblond, Président de l’Arvac ;
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7 commentaires:
https://www.youtube.com/watch?v=WruNKstIpzU&feature=youtu.be
merci pour cet article plein de bon sens pour nous les chamoniards, on dirait pas que le maire est natif d'Argentière, on dirait d'après tout ce qui se fait il en a rien à foutre de Chamonix, Mr Fourcade je suis
en plein accord avec vos propos, et j'espère qu'il y aura beaucoup de personnes qui vont manifester leur désaccord merci à Eric Lasserre pour
ces bloggs sincères amitiés YAYA SCHMITH
Les animations apportent des touristes.
Commerçants, hôteliers et camping ne se plaignent pas des retombées..!! Bien au contraire !!
Ha oui il est vrai que vous n'avez plus votre camping.!! �� vous pouvez toujours déménager si vous ne supporter plus ce qui vous à fait vivre pendant des années ����
Anne Marie merci, j'ai vu la vidéo de J. Demarchi
Merci à Yaya pour son commentaire.
Je n'ai jamais possédé ni géré de camping. Habituellement je ne réponds pas aux messages anonymes.
Plein de sagesse " notre " Jacky Démarchi....j'aime les gens atteints de douce folie, les clowns quoi
ceux qui dérangent et qui assument qui ils sont !
Entièrement solidaire des propos de M. Fourcade !
Salut Eric; merci pour cet article qui pose le vrai problème pour le respect des sites exceptionnels et des habitants et pointe les contradictions des élus. Le toujours plus n'est pas durable, la destruction si.
Olivier
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